A Nantes, une envoûtante séance d’hypnose au Musée d’arts
Pour sa réouverture, le Musée d’arts réunit un ensemble d’œuvres et d’objets autour des phénomènes psychiques, de Gustave Courbet aux surréalistes, en passant par Salvador Dali ou Fritz Lang.
Par Philippe Dagen(Nantes (Loire-Atlantique))
Publié le 17 mai 2021 à 00h00 - Mis à jour le 17 mai 2021 à 08h03
C’est une toile de Gustave Courbet, de petite taille, simple et brutale. Le visage cadré de près d’une jeune femme est entouré de deux tresses noires. Elle a un front large et bombé dont la lumière met en évidence le volume. Ses yeux sont dans l’ombre des orbites et on aperçoit les pupilles noires. Elle a les lèvres serrées et tout indique une immobilité de statue. Le fond est obscur et la robe est noire, juste ornée d’une collerette de dentelle blanche dont la pâleur répond à celle du front. L’œuvre, peinte en 1865, est connue sous deux titres, La Voyante ou La Somnambule. Etrange sujet pour un peintre dont les représentations féminines sont si souvent placées sous le signe du plaisir.
Bien moins étrange qu’il n’y paraît, pour peu que l’on se souvienne que ce portrait est contemporain de la vogue du magnétisme, du spiritisme, des tables tournantes – Victor Hugo en était un adepte – et, dans un genre plus forain, des séances d’hypnotisme publiques réussies par de supposés mages ou guérisseurs.
Aussi, dans l’exposition « Hypnose », au Musée d’arts de Nantes, le Courbet est-il présenté en compagnie d’affiches, caricatures, livres et tableaux qui suggèrent cette vogue et ses développements au milieu du XIXe siècle.
Pascal Rousseau, qui est l’auteur de l’exposition, procède de même avec Marcel Duchamp, Victor Brauner ou Salvador Dali. « Hypnose » se fonde en effet sur une méthode aussi claire que le sujet est complexe : il est étudié en faisant converger le plus grand nombre possible de savoirs et de documents, afin de montrer comment des phénomènes psychiques sont devenus des sujets d’études scientifiques – ou pseudo-scientifiques quelquefois –, des motifs de création pour la plupart des arts et, encore et simultanément, des motifs d’engouement et de spectacles publics.
De la seconde moitié du XVIIIe siècle à aujourd’hui, ces fils s’entrecroisent, ce qui fait de l’exposition tout à la fois un rassemblement déconcertant d’images et d’objets très variés et un long récit continu, découpé en chapitres selon les époques. Les surprises y sont d’autant plus nombreuses que cette méthode permet d’examiner des œuvres fort connues, telle donc La Somnambule de Courbet, sous un angle inhabituel, et permet d’intégrer à la réflexion aussi bien le cinéma de Fritz Lang que les installations ésotériques de Matt Mullican.